Photo MAE Madeleine Charnaux et Lord Londonderry
Madeleine CHARNAUX, née le 18 janvier 1902 à Vichy, est attirée très jeune par la sculpture. Elle devient par la suite l’élève du grand sculpteur Antoine Bourdelle et rêve en voyant passer les avions au-dessus de l’atelier. Un vol en hydravion de Palerme à Naples la conforte dans son idée de devenir pilote.
Libérée de son divorce pour pouvoir voler, elle fréquente Orly où Maryse Bastié l’inspire beaucoup. Elle obtient son brevet de pilote en 1932, et a à peine 17h de vol quand elle annonce à son chef pilote son objectif de faire de grands raids car elle rêve de voyages. Elle est alors la seule femme à être acceptée au club de tourisme aérien « Roland Garros » créé par Suzanne Deutsch de la Meurthe grande mécène de l’aviation. Le club dispose d’une flotte de 60 avions appartenant pour la plupart à des particuliers.
Elle achète le Tiger Moth n°2 à Londres, inspirée par Amy Mollison qui effectua le trajet de Londres en Australie en un temps record avec le n°1. En décembre 1932, elle entreprend avec son « Zinc » un voyage d’Orly à Rabat et devient la 1ere aviatrice à se poser à Marrakech.
De retour en France à Vichy, elle revend son avion qui a trop souffert du voyage au propriétaire précédent. Elle achète alors un « Miles Hawk » qui a bonne réputation pour les records mais elle doit faire changer le moteur. En attendant le montage, elle s’initie à la voltige avec un moniteur qui s’appelle Lefèvre et deviendra par la suite pilote d’essai. Elle retourne au Maroc pour essayer de financer son activité aérienne en vendant ses dessins et sculptures, hélas sans succès. Son père décède subitement en avril 1934, elle déclare vouloir voler plus que jamais pour oublier ses soucis et se rapprocher des chers disparus dans le ciel…
Le chef pilote de son club à Orly, André Maillet, lui conseille de rester sur place pour être reconnue comme Hélène Boucher.
Elle participe aux 12h d’Anger en juillet 1934 avec comme « colis » Yvonne Jourjon, et ce malgré l’accident mortel survenu à son instructeur trois jours avant l’épreuve. Cette course autour des pylônes est très éprouvante mais elles la terminent en 8ème place. Hélène Boucher arrive 2ème sur son Caudron-Rafale et bat le record féminin de vitesse sur 1000 kms.
Madeleine obtient une aide financière du journal « Le Petit Parisien » qui lui permet de financer un voyage vers Tripoli en Lybie. Au retour de passage en Italie, elle rencontre Carina Negrone, marquise de Cambiase, qui vient de battre à 23 ans un record d’altitude en hydravion le 5 mai 1934.
Ce qui l’inspire pour battre le record féminin d’altitude en biplace avec Yvonne Jourjon toujours, à une altitude de 4985m le 24 septembre 1934.
Insatisfaite du résultat de son avion, elle demande au pilote recordman Maurice Arnoux de l’entrainer sur le Farman 357 qui est plus performant. Malgré les réticences envers les femmes dues à l’accident d’Hélène Boucher survenu le 30 novembre et soutenue par Arnoux, elle améliore son record d’altitude à 6115m avec Edith Clarck le 29 janvier 1935.
La maison Farman lui offre alors sa qualification PSV qui lui permettra d’être pilote de transport public en 1937. Caudron l’embauche pour faire un tour de France avec leur « escadrille » et présenter l’avion Luciole, elle effectue 10 à 20 vols par jour de démonstrations et baptêmes pour les aéroclubs de France. Ils sont invités par les élus locaux et le champagne coule à flots pour le grand plaisir de madeleine qui apprécie bien les produits français des régions.
Une malheureuse glissade sur son aile lui entraine une liaison traumatique qui la clouera au sol pour plus d’un an. Elle exécute alors sur son lit d’hôpital un médaillon du profil d’Hélène Boucher pour la gagnante de la coupe du même nom qui sera Maryse Hilsz. Dès qu’elle peut revoler elle achète alors le Caudron C660 Rafale d’Henri Lumière, dans l’espoir de battre des records.
Ce sera chose faite le 8 mai 1937 entre Étampes et Gidy elle bat 5 records internationaux en deux vols, dont 2 anciens records d’Hélène Boucher et 2 records masculins :
- Record féminin de vitesse pour avion léger biplace entre 280 et 560kg sur 100km sans avitaillement en vol (détenu auparavant par l’américaine Helen MacCloskey)
- Record féminin de vitesse sur 100km en biplace léger moteur 4 temps 6,5L sans avitaillement en vol
- Record féminin de vitesse sur 100km sans chargement
- Record (mixte) de vitesse seule à bord sur 100km en biplace léger moteur 2L sans avitaillement en vol
- Record (mixte) de vitesse seule à bord sur 100km sur moteur 4 temps 6,5L sans avitaillement en vol (285,26km/h)
A la demande de de Pierre Cot, ministre de l’Air, Maryse Bastié lui remet la Légion d’Honneur au club Rolland Garros d’Orly. La présidente, Mme Suzanne Deutsch de La Meurthe, y assiste presque mourante (ce sera sa dernière visite au club). Mme Blériot, présidente de la section féminine, fait un discours émouvant sur ses exploits.
Le 8 septembre et le 16 octobre 1937 elle bat deux nouveaux records de vitesse sur le Caudron-Rafale de 140cv.
Elle se prépare pour le 2000km quand la 2nde guerre mondiale éclate.
En 1938 elle défend avec vigueur la création d’un Corps auxiliaire féminin de l’aéronautique (CAFA) et en est nommée commandant. Elle organise un cours pour opérateurs radio auquel participent Elizabeth Boselli et Joséphine Baker. Un décret du 1er septembre 1939 autorise seulement quatre femmes à assurer à titre bénévole des convoyages aériens de personnalités ou d’état-major au sein de la division avions de liaison de l’administration centrale :
Claire Roman, Maryse Hilsz, Maryse Bastié, Paulette Bray Bouquet
Madeleine ne sera donc employée que comme opératrice radio au GC ½ durant l’hiver 1939-1940.
Elle s’éteindra avant d’avoir pu revoler, le 10 octobre 1943 à Vichy des suites de la tuberculose.
Elle aimait la vie et les voyages, les fêtes arrosées au champagne. Le vol était sa passion, elle décrit son humeur en vol dans son livre intitulé « La passion du ciel » :
« Je ne pensais à rien, léthargie du vol, passivité bienheureuse, paix totale. »